Risque et précarité : le transfert vers le travailleur

Uber, Airbnb, Blablacar… Les étendards de l’économie collaborative… Ou plutôt de la nouvelle économie car la notion de collaboratif est quelque peu exagéré  (du moins pour Uber et Airbnb).

Comme le rapporte LeMonde, ces acteurs façonnent le travailleur de demain : un freelance en auto-entreprise. Ce modèle n’a pas le potentiel de devenir dominant dans les 10 années à venir mais la pénétration de ce modèle de travail peut submerger de nombreux pans de l’économie. imgres-2

Les chauffeurs Uber, les propriétaires de maison Airbnb ou les propriétaires de voitures Drivy créent une arme à double détente :

  • Ils fragilisent l’économie traditionnelle avec les acteurs historiques.
  • Leur propre expansion coïncide avec l’augmentation de leur précarité.

En effet, plus ces personnes gagnent de l’argent avec ses revenus dits complémentaires, plus ils deviennent dépendant du système… Jusqu’au point d’en faire leur activité principale.

 

La force de ses start-ups est de transférer le risque vers ses free-lances :

Risque économique : Uber ne possède pas de véhicules

Risque social : Uber salarie que les ingénieurs, juristes et marketeux, les chauffeurs étant indépendants.

Risque de réputation : les chauffeurs étant notés par les clients, Uber gère sa réputation en sanctionnant les chauffeurs mal notés.. Afin que cela n’affecte pas la réputation de la société.

Un chauffeur Uber (X) doit donc s’équiper d’un véhicule récent (berline de moins de 4 ans), passer un examen, payer une assurance…afin d’avoir la liberté de travailler pour Uber (et reverser 20% des revenus). Bref, le risque entreprenarial est autant chez le chauffeur qu’au sein de la société.

Ce transfert du risque entrepreneurial ne s’accompagne pas de l’essence même de la prise de risque : le gain et la multiplication des profits. Un chauffeur Uber ne sera jamais riche, il gagnera seulement le fruit de son labeur sans pouvoir valoriser dans le temps sa création de valeur (au contraire des taxis qui valorisent leur licence)

Le chauffeur Uber est un entrepreneur sans commerce, sans fonds de commerce… Il conjugue les risques et la précarité de l’entrepreneur sans les potentiels avantages. D’ailleurs, des chauffeurs Uber aux US tentent de refaire qualifier leur contrat de prestation de services en contrat salarié au motif du lien de subordination et nombreuses conditions imposées par Uber à ses chauffeurs.

 

Airbnb, le plus grand hôtelier du monde…sans la moindre chambre

Comment une société née en 2007 peut-elle proposer 1 500 000 logements, soit 3x la capacité du groupe Accor ?

C’est simple (enfin presque), il suffit de  transformer les maisons de particuliers en locations et de s’appuyer sur une offre potentiellement pléthorique. Airbnb, le nouveau poil à gratter des syndicats hôteliers, a déjà conquis 197 pays… Et des millions de clients.
A Paris, les loueurs de logements sur Airbnb gagnent en moyenne 297€/mois.  Sûrement plus dans d’autres villes touristiques.

 

Création de valeur, destruction de richesses ?

Le développement de ces sociétés de l’économie collaborative crée nécessairement de la valeur : valeur d’usage pour les clients mais également et surtout valeur économique pour les free-lances et sociétés tels Uber ou Airbnb.

Cette création de valeur s’accompagne également d’une destruction de richesses : les taxis et hôtels voient leur clientèle s’effriter. Une frange des clients délaissent des hôtels à 200€ la nuit pour des appartements à la moitié du prix.

De prime abord, ce phénomène s’apparente à une destruction de richesses, le transfert de l’hôtel vers l’appartement s’accompagne d’une baisse de la consommation individuelle.

 

Et Shumpeter dans tout cela ?

Mon analyse me fait penser que l’Uberisation de l’économie n’est qu’un cycle shumpeterien de destruction créatrice. Théorisé par l’économiste il y a plus de 70 ans (dans l’ouvrage Capitalisme, Socialisme et Démocratie), la destruction créatrice est un phénomène de perpétuelles transformations de l’activité économique. Les cycles d’innovation remettent en cause les majors d’une économie par le dynamisme et la disruption apportée par les nouveaux entrants.

En l’espèce, Uber et Airbnb font trembler des pans de l’économie mondiale (respectivement le transport de personnes et le tourisme hôtelier) et créent de véritables instabilités (économiques, sociale ou encore politiques). Mais cette nouvelle concurrence indirecte aux taxis et hôteliers a largement contribué à l’adoption de ce type de services. De nombreux clients Uber n’étaient pas utilisateurs de taxis auparavant, idem pour les clients Airbnb. Ces services ont créé des usages (et des nouveaux clients) : Uber a démocratisé le transport individuel de personnes jusque là réservé à une clientèle professionnelle et/ou CSP+. Les étudiants qui rentrent de leur soirée en Uber ne prenaient pas le taxi auparavant. Uber et Airbnb ont donc converti des utilisateurs non consommateurs des services traditionnels. Et c’est ce qui fait leur richesse ! Et accessoirement offre un job d’appoint ou principal à des dizaines de milliers de personnes.

Le mot de la fin pour le Québec !

Le gouvernement de la province Quebequoise a voté récemment la taxation des services Uber et Airbnb. Taxer (modérément) pour mieux encadrer, c’est peut être cela la bonne formule car le sens de l’histoire veut que ces services soient demain plus que dominants.

Sources : 
Les Echos
Capital